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A une époque où les émissions culinaires sont légion dans les médias, peut se poser la question de la protection des recettes de cuisine et du savoir-faire développé par ces métiers de bouche.

 

La protection conférée par le droit d’auteur apparaît de prime abord pouvoir s’appliquer au domaine des créations culinaires, puisque sont protégeables « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination  ».

 

Une recette de cuisine, un recueil illustré de mets divers, la présentation de plats ou la forme de certaines pâtisseries pourraient ainsi bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.

 

Reste qu'une oeuvre doit être originale et refléter l'empreinte de la personnalité de son auteur.

 

Or, les auteurs de recettes de cuisine se heurtent souvent à la preuve de la condition d’originalité de leur création. La rédaction de recettes de cuisine est souvent assimilée à une succession d’instructions ou à une méthode, sans style littéraire particulier.

 

Encore récemment la jurisprudence a refusé de reconnaître une protection au titre du droit d’auteur à des recettes de cuisine à destination d’enfants : « Ces recettes prennent la forme classique et stéréotypée d’une énumération des ingrédients puis d’une description étape par étape des opérations à effectuer… Aussi les recettes en cause ne relèvent pas d’une activité créatrice originale, et ne sont pas de ce fait protégées au titre des droits d’auteurs. »

 

Afin de pallier les difficultés relatives à la preuve de l’originalité d’une création, certaines personnes se sont orientées vers la protection conférée par le droit des dessins et modèles en déposant auprès de l’INPI des photographies de plats plus ou moins fantaisiste.

 

Il est néanmoins important de rappeler que le droit des dessins et modèles permet de protéger uniquement « l’apparence d’un produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation. 
Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l’exclusion toutefois des programmes d’ordinateur. »

 

De plus, seuls les dessins et modèles nouveaux et présentant un caractère propre (c’est-à-dire suscitant une impression visuelle d’ensemble différente de celle produite par un dessin ou modèle divulgué antérieurement) sont protégeables au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle.

 

Les conditions de protection sont telles qu’il n’est pas certain que la photographie d’un sandwich ou d’une pâtisserie déposée à titre de dessin ou modèle permette à son titulaire de bénéficier d’une protection efficace sur ce fondement.Ainsi, en cas de litige entre un prétendu contrefacteur et le titulaire d’un dessin ou modèle, ce dernier devra rapporter la preuve que son dessin ou modèle peut être qualifié de « produit industriel ou artisanal », ou encore que les critères de nouveauté et de caractère propre sont bien remplis.

 

D'autres voies de droit peuvent compléter ces premières possibilités.

 

Le développement d’un concept culinaire, d’un secret de fabrique, ou encore d’un savoir faire gastronomique, peuvent ainsi être préservés par des accords de confidentialité et/ou de partenariat. Ils pourraient être protégés, comme tout actif immatériel d’une entreprise et relever de la catégorie du secret des affaires.

 

En utilisant des outils contractuels adéquats (clause de confidentialité et de non divulgation d’un savoir faire, développement de chartes de qualité et de présentation…), il est possible d’apporter une valeur économique certaine à ces actifs immatériels.

 

Le droit de la concurrence déloyale et parasitaire, lorsqu’il est correctement manié, est également un outil efficace pour préserver ces actifs et sanctionner leur reprise par des concurrents mal intentionnés.

 

Certains industriels ont également pu avoir recours au droit des brevets pour protéger leurs recettes.

 

La  brevetabilité d'un procédé technique intervenant dans une recette de cuisine est en effet possible, comme a pu l'admettre la Cour d'Appel de PARIS dans un arrêt du 17 octobre 2007 (CA PARIS, 4è, A, 17-10-2007, n° 06/09632, S.A.S. BISCUITERIE TANGUY et autres c/ SA LU), elle suppose que les critères du brevet, nouveauté, activité technique et application industrielle, soient applicables.

 

En tout état de cause, elle ne permet pas la protection complète de la recette mais seulement d'un de ses éléments.

 

La protection d'une recette de cuisine reposera donc essentiellement sur le secret. Ce secret devra se concrétiser par des procédures internes à l'entreprise et des dispositions contractuelles relatives à la confidentialité de la recette.

 

Ces éléments permettront d'envisager une action en concurrence déloyale contre les tiers en cas d'exploitation abusive de la recette, en démontrant que la recette est un savoir-faire dont la connaissance n'est pas immédiatement accessible au public.

 

Les solutions juridiques et judiciaires à mettre en œuvre dans ce domaine sont donc multiples mais ont toutes pour finalité de  dissuader des cuisiniers indélicats.

 

Cet article est illustré d'une création de Mme Caroline Minassian, "A Fleur de Terre"   www.carolineminassian.fr,  carolinebenier@orange.fr, tél : 0698860460
http://www.artbookedition.com