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La cuisine n’est pas un art comme les autres !

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée dans son arrêt rendu le 13 novembre 2018 dans l'affaire "Heksenkaas" pour estimer que la saveur d’un produit alimentaire n’est pas une œuvre protégeable au titre du droit d’auteur.

Dans son arrêt, la Cour indique que, pour être protégée par le droit d’auteur, la saveur d’un produit alimentaire doit pouvoir être qualifiée d’« œuvre » au sens de la loi. Cette qualification suppose, tout d’abord, que l’objet concerné soit une création intellectuelle originale. Elle exige, ensuite, une « expression » de cette création intellectuelle originale. En effet, ce sont les expressions qui peuvent faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur et non les idées, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques, en tant que tels.

 

Par conséquent, la notion d’« œuvre » implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité.

Dans ce contexte, la Cour constate que la possibilité d’une identification précise et objective fait défaut en ce qui concerne la saveur d’un produit alimentaire. Sur ce point, la Cour précise que, à la différence, par exemple, d’une œuvre littéraire, picturale, cinématographique ou musicale, qui est une expression précise et objective, l’identification de la saveur d’un produit alimentaire repose essentiellement sur des sensations et des expériences gustatives qui sont subjectives et variables.

En effet, ces dernières dépendent, notamment, de facteurs liés à la personne qui goûte le produit concerné, tels que son âge, ses préférences alimentaires et ses habitudes de consommation, ainsi que de l’environnement ou du contexte dans lequel ce produit est goûté.
En outre, une identification précise et objective de la saveur d’un produit alimentaire, qui permette de la distinguer de la saveur d’autres produits de même nature, n’est pas possible par des moyens techniques en l’état actuel du développement scientifique.
Dans ces conditions, la CJUE conclut que la saveur d’un produit alimentaire ne peut être qualifiée d’« œuvre » et qu'elle ne peut donc bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur.

Cette décision est conforme à ce qui a pu être décidé notamment en matière de fragrance de parfum. En effet, la Cour de cassation avait déjà estimé en 2006 que « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas au sens des [articles L.112-1 et L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle] la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit par le droit d’auteur ».

Il a été également plusieurs fois rappelé«  Si les recettes de cuisine peuvent être protégées dans leur expression littéraire, elles ne constituent pas en elles-mêmes une œuvre de l’esprit, elles s’analysent en effet en une succession d’instructions, une méthode ; il s’agit d’un savoir-faire, lequel n’est pas protégeable ».

La protection des créations culinaires sera donc essentiellement assurée par le secret qui les entoure, le nom qui leur est donné ou encore par la forme qui les caractérise mais pas par le droit d'auteur sur leur création.

Nous restons naturellement à votre disposition pour toute information complémentaire sur ces sujets.

 

Cet article est illustré d'une oeuvre pour laquelle nous avons reçu l'aimable autorisation de M. Laurent SADIRAC, Peintre – Sculpteur – Plasticien – Photographe, https://www.artmajeur.com/atelier-sadirac, sadirac@wanadoo.fr
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Et toujours avec la précieuse collaboration de : http://www.artbookedition.com/